22 Octobre 2017
Le rêve argentin, de Paulin Clerc et Octavie Babou, les parents de ma grand-mère paternelle.
Descendu dans la vallée, Paulin, né à Cubières-Sur-Cinoble de Joseph et Thérèse, avait rencontré Octavie qui habitait Couiza.
Ils avaient entendu parler de l'Argentine, par nombre de français qui y étaient déjà partis, et envoyaient des lettres merveilleuses qui parvenaient au plus profond des vallées pyrénéennes, du Béarn, du Pays basque, du Roussillon, et de l'Aude.
C'est décidé. Ils vont partir. Ils promettent à leurs parents et leur famille de revenir.
Chacun feint d'y croire et retient ses larmes.
Ils étaient amoureux, venaient de se marier au mois de juillet 1887 à Couiza.
Ils rêvaient d'une vie nouvelle. L'Amérique ! Buenos-Aires, la Pampa !
Vous imaginez !
Paulin et Octavie ont du embarquer de Bordeaux ou peut-être du Havre à l'instar de nombreux immigrés du Sud-Ouest de la France.
Le voyage en bateau à vapeur durait entre 30 et 45 jours. Certains préféraient les voiliers. Le voyage était moins cher mais durait deux fois plus longtemps.
Paulin et Octavie débarquent en Argentine.
Ils sont accueillis à l'hôtel des immigrants.
Enfin le départ pour Chivilcoy
Les voilà partis pour rejoindre la pampa.
Les immigrés habitent des maisons de torchis. La vie est dure. Mais Paulin et Octavie sont jeunes, beaux, plein d'espoir, et l'horizon infini leur appartient.
A Chivilcoy, de nombreux migrants étaient français. Mais pas très loin, Paulin et Octavie ont rencontré des immigrants de nombreuses autres nationalités.
Explorant leur nouvelle terre,
ils sont peut-être allés jusqu'à Junin,
Francis Espinet, dont la grand-mère est revenu d' Argentine raconte :
" L'expansion Argentine
L'indépendance et la construction de l'Argentine moderne à partir de 1810 a entraîné une profonde modification de son économie. La mise en valeur d'immenses territoires pris aux amérindiens a exigé une abondante main d’œuvre et il a donc fallu provoquer une immigration.
A partir de 1850, le gouvernement argentin fut le promoteur d'une politique de colonisation et en 1862 il a mis en place un système d'immigration en Europe qui a entraîné un afflux important de migrants venus surtout d'Italie et d'Espagne. Entre 1862 et 1920 les services de l'immigration ont enregistré l'arrivée de 220 000 français dont 120 000 devaient ensuite retourner en France. Comparée aux 4 000 000 d'immigrants, tous pays confondus, la colonie française n'était somme toute, pas très importante.
Dès 1888, l'Etat argentin établit en France des agences d'émigration dans les ports d'embarquement ainsi qu'à Paris. Pour ce qui concerne le Roussillon, il existe deux représentants à Perpignan:
- M. A.Bombes, 26 rue de la Ferraille, représentant l'agence Lefèvre, dont le siège se trouve 189 rue de Bercy à Paris.
- M. E.J. Calvel, agent d'assurance, 7 Av. de la Gare, représentant l'agence Durel, dont le siège social se trouve à Le Havre.
Le prix du transport oscille de 260 à 300 francs en fonction de la classe choisie. Le paiement de ces trajets s'adapte à la situation économique du passager. Il existe différents cas de figure qui vont de l'hypothèque des biens à une obligation de travail à l'arrivée en faveur de l'armateur ou de l'agent. Les plus démunis bénéficient d'un passeport d'indigent délivré gratuitement par les services de la Préfecture. Pour attirer les candidats certaines agences d'émigration utilisaient parfois des publicités trompeuses voire mensongères, l'escroquerie était telle que les pouvoirs publics durent faire des mises au point.
Profitant des aides accordées aux plus pauvres, plusieurs familles du Roussillon touchées par cette récession économique, décident de tenter l'aventure.
Le périple argentin
Le principal centre de regroupement des catalans semble se trouver à Chivilcoy, c'est là que mes arrière-grands-parents se lient d'amitié avec les familles originaires de Claira.
Pour subvenir à leurs besoins, les hommes, les femmes et les adolescents les plus robustes effectuent des travaux agricoles dans les "chacras", nom local pour désigner les grandes exploitations agricoles et gagnent assez bien leur vie. Ils se déplacent ainsi vers le sud-ouest, au gré des travaux à effectuer passant par Chivilcoy, Bragado, Nueve de Julio, Péhuajo, Trenque Lauquen et Pellégrini.
Francis Espinet poursuit à propos de sa famille : "Alors qu'ils sont à Pellégrini mon arrière-grand-père revient un jour avec une excellente nouvelle, il a négocié la location de 3750 Ha de terrain auprès d'un riche propriétaire argentin. Ces terres sont situées à la limite de la province de La Pampa, en un lieu appelé "Capciyuyo" nom local de la plante cachiyuyo (voir la légende de cet arbuste sur le site), elles sont louées sous le régime de l'arriendo (métayage). Les familles les partagent en parcelles égales de 625 hectares chacune. Ces terrains étant en friches ils doivent construire leurs maisons et dépendances. Les bâtiments, en rez de chaussée, sont faits de bois et de torchis, les murs sont ensuite blanchis à la chaux.
Là, ils produisent des céréales et font un peu d'élevage, les semences et les machines agricoles sont fournies par un consortium qui rachète ensuite toute la récolte. L'avantage de cette formule réside dans le fait que pendant toute l'année ils achètent les marchandises dont ils ont besoin dans les comptoirs du groupement et ne payent qu'au moment de la récolte. L'équilibre des comptes est effectué à ce moment-là.
Sur ces immenses terres, qui s'étirent à l'infini, Paulin et Octavie ont fondé une famille heureuse. Ma grand-mère ne témoignait que de ses bonheurs d'enfant.
Malheureusement, Paulin et Octavie sont disparus bien trop tôt. Ils sont encore là-bas, quelque part, avec leur fils Paul, dans cette Terre qu'ils avaient voulu conquérir.
Leurs quatre filles ont dû effectuer le chemin du rapatriement vers la France, certainement l'âme bien en peine.